Parler de
l’Algérie n’est pas une chose aisée. Le « Je vous ai compris » du
Général de Gaulle résonne encore dans la mémoire de ceux qui ont tout quitté en
1962 lorsqu’ils ont laissé pays, ville, quartier, amis… La nostalgie de la vie
en Algérie s’est perpétuée bien au-delà
de la génération qui fut directement touchée par l’Indépendance du plus
grand département français. Car on oublie souvent que les
« Pieds-Noirs » n’étaient pas tous des « Français
d’origine » (ou de souche).
Joël Alessandra nous le rappelle sur les 120
pages de son magnifique album, Petit-fils d’Algérie.
Troisième
génération de descendants de « Pieds-Noirs », Alessandra part à la
recherche de ses racines « algériennes ». Son grand-père, un Italien
de Sicile, fuyant la pauvreté, s’installe en Algérie. Ils sont nombreux, ces
Européens du Sud, Espagnols (on pense à la mère de Camus) ou Italiens, venus
chercher fortune en Algérie française, un Eldorado, une Terre Promise moins
lointaine que l’Amérique, souvent proches des Arabes, vivant en bonne entente
et jusqu’à partager maison, nourrice, espoirs et craintes. C'est cela qui importe le plus dans cette BD: le monde n'est ni noir, ni blanc, il est en nuances. Les Pieds-Noirs n’étaient
pas tous racistes et tous les Arabes ne détestaient pas les « colons ».
La BD de Joël
Alessandra, en aquarelles dont les tons changent selon le pays, l’humeur ou le
discours rapporté (avec des pages en N&B proches du sépia quand la
narration remonte le temps), alternant doubles pages et planches
traditionnelles, bulles et commentaires en voix off, inclusion de documents
authentiques et sketchs pris sur le vif, est un petit bijou visuel et littéraire.
L’émotion est présente du début à la fin de cet album, un sentiment qui dépasse
la nostalgie ou la recherche d’un temps perdu que l’on n’a connu que par
ouï-dire, et qui laisse espérer que la parole taboue se lèvera enfin sur cette
sombre période de l’Histoire de deux grandes nations : la France et
l’Algérie.
Editeur: Casterman