Thursday, July 14, 2016

La laideur du monde ce soir...


Comment aimer, comment vivre, comment trouver de la beauté après Nice ? 

Charlie Hebdo, on se dit qu’ils sont morts en martyrs de la liberté d’expression, qu’on ait lu ou non le journal, qu’on l’ait trouvé vulgaire ou non… Hyper Cacher, après Ozar Hatorah en 2012, on a  entendu dire  que c’était à cause de la politique extérieure d’Israël !... Comme si c’était une manière de justifier la mort d’innocents… Certains ne se sont pas sentis totalement concernés car après tout, c’était encore une attaque ciblée : des soldats musulmans qui servent la république laïque sont forcément des traitres (on  pense à ce qu’ont subi les Harkis, en Algérie, et comment ils ont été mal reçus en France pour qui ils avaient tout donné) , trois enfants Juifs et leur père…  Dans la république laïque, la mise en avant de la religion des victimes pour les démarquer des autres Français en 2012 ou en janvier 2015, ça a quand même des remugles de peste noire… On se dit que ceux qui s’expriment ainsi  ont oublié les crimes de l’Histoire au mieux et au pire, sont l’expression d’un racisme qui n’a jamais vraiment disparu… On sait aussi que la grande manifestation du 11 janvier 2015 n’aurait jamais eu lieu si seul l’Hypercacher avait été attaqué, voyons, soyons honnêtes… On défile parce qu’il y a des « people » qui sont morts martyrs… Ne nous voilons pas la face, ne nous cachons pas devant une unité nationale qui n’existe pas…

Novembre 2015 : Le Bataclan… La France fauchée dans sa chair, sa jeunesse, une génération… Le message est clair : tous, nous sommes tenus en joue. Bruxelles… c’est la peste qui se propage en Europe… puis aux Etats-Unis, San Bernardino, Orlando… La peste, celle-là même dont parlait Camus dans son roman…

 Madrid, les tours du World Trade Center, le Pentagone, ça semble loin dans le temps…

Baghdad, Beyrouth, Kabul, on y pense mais en même temps on se dit que ça fait partie de leur paysage, toutes ces guerres, on en oublie les origines et notre culpabilité.

La Tunisie, Grand Bassam, le Nigeria… Istambul… ça s’étend… On fait quoi ?

Mais qui pense encore à Beslan, une école, 400 enfants le jour de la rentrée ;  ou à Moscou, la prise d’otage du théâtre…

Et même l’Arabie Saoudite…. Celle qui finance l’expansion d’un Islam fanatique en Europe depuis la mort de Tito… Le serpent qu’elle a nourri qui se retourne  finalement contre la main qui le flatte… et les Etats-Unis qui ont soutenu Bin Laden et ses sbires pendant la fin de la guerre froide…

Ce soir, je n’ai plus envie de vivre. La petite lueur, l’ « anima » a du mal à se rallumer…


Tuesday, June 14, 2016

Une histoire

C'est l'histoire d'une femme qui n'avait jamais connu ou su vraiment ce que c'était qu'aimer jusqu'à ce qu'elle soit en pleine ménopause;

C'est l'histoire d'une femme qui s'est mariée deux fois: la première fois, parce que toutes ses amies se mariaient, avaient des bébés et elle se sentait coupable de ne pas suivre le même chemin, on lui faisait assez remarquer que ce n'était pas normal de ne pas avoir envie d'enfants et de préférer les chats, écrire, voyager ou lire; ce n'était même pas sa famille qui lui faisait des remarques, mais les amies de lycée qui avaient, comme elle, rejoint l'université, mais dans le but de se trouver un mari en même temps qu'elles recevaient leur DEUG ou leur licence; la deuxième fois, parce que l'immigration américaine ne reconnaissait pas les "concubines" et que l'homme avec lequel elle vivait et dont elle était enceinte semblait être décent, en tous cas plus que le premier... ce qui n'était pas difficile à faire;

C'est l'histoire d'une femme qui s'est donc mariée deux fois, mais pas par amour, même si elle a prétendu le contraire pour qu'on lui fiche la paix, qu'on cesse de lui dire qu'elle était trop intellectuelle, qu'elle se posait trop de questions, que la vie c'était plus simple que cela...

C'est l'histoire d'une femme qui s'est mariée deux fois, et chaque fois avec des étrangers, et qui n'a jamais eu de relation amoureuse/sexuelle ou émotionnelle réciproque avec un Français... pas un seul!

C'est l'histoire d'une femme qui ne s'aime pas, a honte de son corps, déteste devoir porter des lunettes depuis l'âge de 7 ans, qui préfèrerait être belle et conne, ne jamais se poser de questions, et ne jamais douter...

C'est l'histoire d'une femme qui a peur de son ombre, qui parle beaucoup et même parfois brillamment, le plus souvent de tout et de rien mais rarement d'elle-même ou alors juste pour amuser la galerie, des histoires de famille, pour faire pittoresque, parce que sa famille est pittoresque, mais qui tait ses peurs, ses désirs, ses coups de blues;

C'est l'histoire d'une femme qui n'a absolument pas confiance en elle, mais qui le cache bien, si bien qu'on la croit forte alors qu'elle ne l'est pas du tout;

C'est l'histoire d'une femme qui n'en peut plus de tout porter depuis presque 28 ans, les échecs des autres en plus des siens, ses enfants, le syndrome d'Asperger de l'un et les problèmes de poids de l'autre, leurs années de fumette et leurs ennuis avec la justice, le quotidien, sa mère dans le coma pendant trois ans, une soeur dans la drogue, son frère dans l'alcool, son premier mari dans la violence physique et l'alcool, le second dans la violence verbale, et même sa foi;

C'est l'histoire d'une femme que même sa foi ne soutient plus... qui ne peut plus prier ou n'importe comment;

C'est l'histoire d'une femme qui s'était résignée à une vie aussi fine qu'un trait de crayon à papier, sans couleur ni émotion autre que la tristesse, qui sait bien masquer son désarroi, qui sait faire rire même si elle n'a pas envie de rire, qui ravale ses larmes ou pleure quand elle sait être toute seule, qui a enfoui ses cris et refoule sa colère, qui est au bord du volcan, d'un côté la vie, de l'autre la mort;

C'est l'histoire d'une femme qui ne peut rien dire, parce qu'elle a pris trop de claques et qu'une de plus, ce serait l'ultime échec;

C'est l'histoire d'une femme qui aime enfin, qui sait finalement ce qu'aimer veut dire mais qui ne pourra pas le dire, l'avouer, à la personne aimée, parce qu'elle a trop peur de perdre le peu qu'elle a, ce peu qui l'a ressuscitée et que perdre ce peu, c'est au mieux la folie, au pire... elle connait déjà la force des raptus car ils la tentent quotidiennement ou presque;

C'est l'histoire d'une femme qui ne veut forcer personne à l'aimer, qui ne peut même pas envisager qu'on puisse l'aimer;

C'est l'histoire d'une femme qui sait qu'elle a trouvé son âme soeur mais qui ne le lui dira pas, pour ne pas perdre ce qui existe, parce que plutôt aimer en silence et rester en contact, que parler et tout perdre;

C'est l'histoire d'une femme qui irait décrocher la lune, qui irait au bout du monde, mais qui sait que ce n'est pas possible, que c'est un rêve, que rêver au moins cela n'est pas dangereux, c'est comme l'espoir, ca fait vivre...

C'est l'histoire d'une femme emplie de gratitude et de reconnaissance pour les moments vécus et partagés ces trois dernières années, des moments qui seront toujours pour elle des instants d’éternité, flamme ranimée, inspiration revenue, même si encore fragiles; et qui a trop peur qu'un mot, une phrase, puissent y mettre.... FIN.

Sunday, February 7, 2016

Petit-Fils d'Algerie, une BD de Joel Alessandra

Parler de l’Algérie n’est pas une chose aisée. Le « Je vous ai compris » du Général de Gaulle résonne encore dans la mémoire de ceux qui ont tout quitté en 1962 lorsqu’ils ont laissé pays, ville, quartier, amis… La nostalgie de la vie en Algérie s’est perpétuée bien au-delà  de la génération qui fut directement touchée par l’Indépendance du plus grand département français. Car on oublie souvent que les « Pieds-Noirs » n’étaient pas tous des « Français d’origine » (ou de souche). 
Joël Alessandra nous le rappelle sur les 120 pages de son magnifique album, Petit-fils d’Algérie

Troisième génération de descendants de « Pieds-Noirs », Alessandra part à la recherche de ses racines « algériennes ». Son grand-père, un Italien de Sicile, fuyant la pauvreté, s’installe en Algérie. Ils sont nombreux, ces Européens du Sud, Espagnols (on pense à la mère de Camus) ou Italiens, venus chercher fortune en Algérie française, un Eldorado, une Terre Promise moins lointaine que l’Amérique, souvent proches des Arabes, vivant en bonne entente et jusqu’à partager maison, nourrice, espoirs et craintes. C'est cela qui importe le plus dans cette BD: le monde n'est ni noir, ni blanc, il est en nuances. Les Pieds-Noirn’étaient pas tous  racistes et tous les Arabes ne détestaient pas les « colons ». 


La BD de Joël Alessandra, en aquarelles dont les tons changent selon le pays, l’humeur ou le discours rapporté (avec des pages en N&B proches du sépia quand la narration remonte le temps), alternant doubles pages et planches traditionnelles, bulles et commentaires en voix off, inclusion de documents authentiques et sketchs pris sur le vif, est un petit bijou visuel et littéraire. L’émotion est présente du début à la fin de cet album, un sentiment qui dépasse la nostalgie ou la recherche d’un temps perdu que l’on n’a connu que par ouï-dire, et qui laisse espérer que la parole taboue se lèvera enfin sur cette sombre période de l’Histoire de deux grandes nations : la France et l’Algérie.

Editeur: Casterman