C'est l'histoire d'une
femme qui n'avait jamais connu ou su vraiment ce que c'était qu'aimer jusqu'à
ce qu'elle soit en pleine ménopause;
C'est l'histoire d'une
femme qui s'est mariée deux fois: la première fois, parce que toutes ses amies
se mariaient, avaient des bébés et elle se sentait coupable de ne pas suivre le
même chemin, on lui faisait assez remarquer que ce n'était pas normal de ne pas
avoir envie d'enfants et de préférer les chats, écrire, voyager ou lire; ce n'était
même pas sa famille qui lui faisait des remarques, mais les amies de lycée qui
avaient, comme elle, rejoint l'université, mais dans le but de se trouver un
mari en même temps qu'elles recevaient leur DEUG ou leur licence; la deuxième
fois, parce que l'immigration américaine ne reconnaissait pas les
"concubines" et que l'homme avec lequel elle vivait et dont elle
était enceinte semblait être décent, en tous cas plus que le premier... ce qui
n'était pas difficile à faire;
C'est l'histoire d'une
femme qui s'est donc mariée deux fois, mais pas par amour, même si elle a prétendu
le contraire pour qu'on lui fiche la paix, qu'on cesse de lui dire qu'elle était
trop intellectuelle, qu'elle se posait trop de questions, que la vie c'était
plus simple que cela...
C'est l'histoire d'une
femme qui s'est mariée deux fois, et chaque fois avec des étrangers, et qui n'a
jamais eu de relation amoureuse/sexuelle ou émotionnelle réciproque avec un
Français... pas un seul!
C'est l'histoire d'une
femme qui ne s'aime pas, a honte de son corps, déteste devoir porter des
lunettes depuis l'âge de 7 ans, qui préfèrerait être belle et conne, ne jamais
se poser de questions, et ne jamais douter...
C'est l'histoire d'une
femme qui a peur de son ombre, qui parle beaucoup et même parfois brillamment,
le plus souvent de tout et de rien mais rarement d'elle-même ou alors juste
pour amuser la galerie, des histoires de famille, pour faire pittoresque, parce
que sa famille est pittoresque, mais qui tait ses peurs, ses désirs, ses coups
de blues;
C'est l'histoire d'une
femme qui n'a absolument pas confiance en elle, mais qui le cache bien, si bien
qu'on la croit forte alors qu'elle ne l'est pas du tout;
C'est l'histoire d'une
femme qui n'en peut plus de tout porter depuis presque 28 ans, les échecs des autres
en plus des siens, ses enfants, le syndrome d'Asperger de l'un et les problèmes
de poids de l'autre, leurs années de fumette et leurs ennuis avec la justice,
le quotidien, sa mère dans le coma pendant trois ans, une soeur dans la drogue,
son frère dans l'alcool, son premier mari dans la violence physique et
l'alcool, le second dans la violence verbale, et même sa foi;
C'est l'histoire d'une
femme que même sa foi ne soutient plus... qui ne peut plus prier ou n'importe
comment;
C'est l'histoire d'une
femme qui s'était résignée à une vie aussi fine qu'un trait de crayon à papier,
sans couleur ni émotion autre que la tristesse, qui sait bien masquer son
désarroi, qui sait faire rire même si elle n'a pas envie de rire, qui ravale
ses larmes ou pleure quand elle sait être toute seule, qui a enfoui ses cris et
refoule sa colère, qui est au bord du volcan, d'un côté la vie, de l'autre la
mort;
C'est l'histoire d'une
femme qui ne peut rien dire, parce qu'elle a pris trop de claques et qu'une de
plus, ce serait l'ultime échec;
C'est l'histoire d'une
femme qui aime enfin, qui sait finalement ce qu'aimer veut dire mais qui ne
pourra pas le dire, l'avouer, à la personne aimée, parce qu'elle a trop peur de
perdre le peu qu'elle a, ce peu qui l'a ressuscitée et que perdre ce peu, c'est
au mieux la folie, au pire... elle connait déjà la force des raptus car ils la
tentent quotidiennement ou presque;
C'est l'histoire d'une
femme qui ne veut forcer personne à l'aimer, qui ne peut même pas envisager
qu'on puisse l'aimer;
C'est l'histoire d'une
femme qui sait qu'elle a trouvé son âme soeur mais qui ne le lui dira pas, pour
ne pas perdre ce qui existe, parce que plutôt aimer en silence et rester en
contact, que parler et tout perdre;
C'est l'histoire d'une
femme qui irait décrocher la lune, qui irait au bout du monde, mais qui sait
que ce n'est pas possible, que c'est un rêve, que rêver au moins cela n'est pas
dangereux, c'est comme l'espoir, ca fait vivre...